Dennis Broeckx (L’épicerie du Cirque):
‘Aliment confort végétarien’

16 févr. 2018

Une cuisine des champs

Les légumes ont de plus en plus la cote en cuisine. La prise de conscience végétarienne explique certes une partie de ce phénomène, mais les légumes sont vus sous un autre œil du fait qu'un grand nombre de chefs les préparent avec plus de soin et d'attention pour le goût. Leurs contacts internationaux leur permettent de découvrir les nombreuses possibilités culinaires qu'offrent les légumes ou les alternatives végétariennes. Il en va de même pour les consommateurs occidentaux, plus que jamais confrontés à d'autres cultures alimentaires et qui apprécient donc plus facilement les plats végétariens. Mais il y a d'autres raisons pour lesquelles les chefs considèrent les plats végétariens comme des alternatives valables aux préparations à base de protéines animales. Le chef Dennis Broeckx, du restaurant anversois L’épicerie du Cirque, est un fervent défenseur des aliments confort plus végétariens.

Evolution dans la cuisine

Votre cuisine a fortement évolué ces dernières années. Elle s'est concentrée sur des plats végétariens à part entière, mais les légumes en garnitures ou en plat d'accompagnement font aussi l'objet d'une attention accrue. D'où vient cette évolution?
 
“A vrai dire, c'est surtout la réflexion menée par Jong Keukengeweld qui m'a fait changer de cap. Initiative de Toerisme Vlaanderen, Jong Keukengeweld réunit de jeunes chefs qui cuisinent pour des jeunes en utilisant majoritairement des produits locaux. C'est ainsi qu'en 2012, j'ai repensé complètement tous les ingrédients que j'utilisais jusqu'alors dans ma cuisine. J'ai contacté des fermiers et des cultivateurs locaux pour en savoir plus sur nos propres produits ainsi que leur cycle saisonnier et leur disponibilité. Pour être honnête, j'étais à côté de la plaque car je commandais mes produits à Paris, de préférence par le marché de Rungis. Comme si c'était la marque de qualité ultime. Des éleveurs de nos régions, passionnés et très bien informés et qui travaillent de manière durable, comme Bart Belmans ou Wim Maes, m'expliquaient notamment à quel moment je pouvais tirer le meilleur parti gustatif de tel ou tel légume. J'ai progressivement commencé à peaufiner ma cuisine en fonction de leurs conseils et de leur production. Aujourd'hui, je travaille également avec la ferme bio Ole Deschout qui s'inscrit dans un concept d'agriculture soutenue par la communauté (CSA ). Une alimentation logique qui ne pousse pas en serre et qui m'informe chaque jour de la récolte particulière. Ma cuisine est donc non seulement respectueuse des saisons, mais elle provient tout droit des champs, avec les produits que la nature nous offre.”

Et toute votre clientèle vous a suivi directement dans cette démarche?

“C'était dans l'air du temps dès le début. Et puis, les gens goûtaient la différence.
Ces légumes ont tout simplement meilleur goût et d'autre part, ils m'invitent aussi à faire preuve de créativité. Ces producteurs m'ont également appris à quel point ils pouvaient être variés et qu'en fait, pratiquement tout se mange sur un légume. Au début, j'intégrais également ces plats de légumes dans des menus, si bien que j'avais toujours une variante végétarienne sous la main si on me le demandait. Mais pour que ce menu reste abordable, j'accordais plus d'attention à ces préparations. Un menu de poisson, de crustacé et de viande devient de plus en plus cher et les gens ne sont pas toujours prêts à délier les cordons de la bourse. Et d'ailleurs, on remarque de plus en plus que les gens ne tiennent plus à rester trop longtemps à table. L'époque des grands menus semble révolue. Je préfère fonctionner à la carte. De toute façon, je ne peux pas préparer le même menu pendant des semaines d'affilée. Cela finit par lasser. Quand je sors manger ailleurs, j'aime bien pouvoir choisir aussi. C'est essentiel pour moi quand je vais au restaurant. Si ma famille ne peut pas choisir elle-même, je préfère rester à la maison et cuisiner pour tout le monde. J'évolue d'ailleurs de plus en plus vers une carte mentionnant uniquement les noms des produits frais présents aux côtés de nombreux noms de légumes et d'épices. L'offre des agriculteurs locaux me permet aussi de démontrer toute l'inspiration de ma cuisine au quotidien. Je constate que de nombreux clients l'apprécient et que ça fait tomber les barrières. Par ailleurs, les clients ayant un régime spécial peuvent être servis facilement et rapidement. Les légumes sont également un délicieux produit à partager à table en accompagnement. Ils donnent du goût et apportent de l'ambiance.”

Les préparations végétariennes? Yes, Please!

"Les préparations végétariennes telles que les aliments confort semblent vous apporter beaucoup d'avantages et pourtant, je n'ai pas encore entendu le mot santé une seule fois jusqu'à présent?"
 
“Exact. Mais en même temps, c'est tellement évident. Les plats végétariens sont généralement plus faciles à digérer, mais j'y vois un autre avantage. Les légumes nous invitent à en gaspiller le moins possible. Par exemple, les épluchures serviront à faire des jus au Racine PAKT de l'Epicerie du Cirque et la pulpe restante sera transformée avec de l'eau pour en faire une réduction. Ils n'ont pas à rougir de la comparaison avec du jus de carcasses en termes de densité ou d'intensité de goût. Ces jus apportent du peps et du relief à de nombreuses préparations végétariennes, ce qui leur manquait souvent par le passé et a fortiori rebutait les gens à opter pour cette alternative. Cette différence est gommée désormais. Nos légumes ont déjà beaucoup de goût à la base et, avec de bonnes préparations, ils sont encore magnifiés. D'ailleurs, les légumes autorisent une plus grande créativité qu'un simple morceau de ris de veau. Attention, je ne dis pas que je n'aime pas, mais en tant que chef de cuisine, on en a plus vite fait le tour. En revanche, donnez-moi un beau céleri-rave et je pourrai m'en occuper des heures pour préparer un nombre infini de plats savoureux ou élaborer une soupe. Ce qui n'est pas transformé à la fin de la semaine est apporté systématiquement à une communauté religieuse du quartier qui distribue notre soupe ou nos légumes aux gens dans le besoin. C'est d'ailleurs un aspect important pour nous. Ne rien gaspiller et, si possible, aider les gens qui en ont besoin. L'aliment confort prend une autre signification dans cette acception.”
 

Badoit Series - N° 2: Dennis Broeckx ‘Aliment confort végétarien’

   

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